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MPR et santé publique : la réadaptation comme fonction des systèmes de santé
A l’occasion des réformes des SSR, désormais nommés Soins médicaux et de réadaptation (SMR), le système de santé français s’est engagé dans une réforme conceptuelle d’importance capitale avec une nouvelle définition de la réadaptation. Celle-ci est rendue indispensable pour la distinguer de la fonction de soins médicaux curatifs subaiguë reconnue par les nouveaux décrets. Cette définition correspond parfaitement à la définition internationale, ou « réadaptation » est la traduction française de l’anglais « rehabilitation ». Cette définition, les MPR, en accord avec les autres disciplines des SMR, l’ont défendue au sein du CNP et elle a été promue par les nouveaux décrets du 11 janvier 2022. La nouvelle définition de la mission de réadaptation sera précisée dans l’instruction complémentaire aux décrets. Cette définition générique a le mérite de respecter l’ancienne logique des 3 « R » mais avec une terminologie rénovée distinguant 3 objectifs : la récupération fonctionnelle, la compensation et l’adaptation de l’environnement, la réinsertion du patient.
L’OMS définit la réadaptation comme « un ensemble d’interventions conçues pour optimiser le fonctionnement et réduire le handicap des personnes souffrant de problèmes de santé lorsqu’elles interagissent avec leur environnement ». Site de l’OMS Voir aussi le guide d’action de l’OMS
Cette révolution conceptuelle peine pourtant à rattacher notre système aux classifications et aux modèles de santé internationaux (OMS, OCDE, CIF, ICHA…). Il ne s’agit pas de les copier mais de s’en inspirer pour adapter en France ce qui est utile, notamment pour en finir avec la confusion entre missions de soins et prestataires de soins (rapport du HCAAM du 22 avril 2021).
Pour autant, les deux missions de soins curatifs et de réadaptation, associées à la prévention, transversale à toutes les composantes du système de santé, ne recouvrent pas intégralement les missions des SMR. Les observations des dysfonctionnements pendant la pandémie, le caractère incantatoire du virage ambulatoire (Pierre-Louis Bras) qui s’avère être un « virage hospitalier » sur le terrain malgré la réduction dramatique du nombre de lits d’hôpitaux*, l’explosion des urgences devenues « le généraliste des pauvres » (Kervasdoué) et qui sont confrontées à une paralysie de l’aval du fait d’une organisation et d’un financement en silos incitant à la guerre de tous contre tous, posent la question de ce que nous peinons à dénommer « soins de transition ».
* En France les lits hospitaliers (aigu, SSR, psychiatrie et SLD) ont été réduits de 11 pour 1000 habitants en 1980 à moins de 6 pour 1000 aujourd’hui, le secteur des SSR étant le seul qui ait augmenté ou soit resté relativement stable. (Données de l’économiste Jean Gadrey, 2020, issues de la Banque mondiale et de l’OCDE).
Comme en 2008 des fiches par mention, polyvalente et spécialisées, sont en cours de rédaction dans l’instruction complémentaire aux décrets et feront l’objet d’une future lettre d’information notamment au regard des temps de réadaptation et du périmètre de celle-ci. Elles ne peuvent avoir de sens que si les missions sont bien définies au préalable.
La définition des missions et l’organisation des SMR sont étroitement dépendantes de l’organisation de l’amont et de l’aval comme en témoignent les rapports successifs de la Cour des comptes. La très forte proportion des SMR en France (25% des lits hospitaliers), une des plus importantes du monde selon l’OCDE, contraste avec l’effondrement du nombre de lits d’USLD. De fait, les SMR intègrent en France la fonction difficilement traduisible de nursing home, avec des lits qui ne seraient pas classés comme hospitaliers à l’étranger mais comme « maisons médicalisées ».
Les SMR, mais aussi la MPR du fait de la confusion entre discipline et secteur prestataire, sont pris entre trois logiques contradictoires : une logique de flux poussés de l’amont, une logique de différenciation de leurs activités spécialisées et expertes et enfin une logique tirée par les besoins du patient en aval, qui reste fortement impactée par l’abîme entre l’offre de soins et celle de l’action sanitaire et sociale.
S’il faut décloisonner notre système de santé pour mieux intégrer les parcours, il ne s’agit pas non plus de favoriser une intégration purement verticale des parcours par l’aigu, déjà trop souvent observée sur le terrain et dont les risques sont bien connus dans la littérature économique, en particulier au détriment de la MPR qui reste par ailleurs encore conceptuellement trop cantonnée aux SMR.
ViaTrajectoire est un logiciel d’automatisation des demandes d’admissions mais son algorithme ne permet pas aujourd’hui d’en faire un logiciel d’orientation, notamment faute d’outils de repérage validés des besoins de réadaptation. L’algorithme de ViaTrajectoire devra être radicalement revisité et adapté aux nouvelles définitions des missions des SMR. Pour les mêmes raisons, il faut se garder de l’utiliser pour déterminer les besoins territoriaux de SMR car il ne garantit pas la pertinence des orientations.
S’il reste à mieux catégoriser les besoins de soins à partir de données consistantes avant de mieux concevoir l’offre de soins, concluons cette première partie sur le constat que les travaux de la DGOS permettent de nous rapprocher des conceptions internationales dans ce qu’elles ont d’utile, que les progrès accomplis sont impressionnants et il faut s’en réjouir pour le système de santé de demain.
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Nécessaire redéfinition de la réadaptation par l’ATIH et la comptabilité analytique
Une définition de la réadaptation, essentielle pour concevoir le périmètre des actes et des intervenants du CSARR, est énoncée dans le manuel des GME de la future classification en page.22 : MANUEL DES GME EN SOINS DE SUITE ET DE RÉADAPTATION Version provisoire GME_2022 / EXP_2022 Volume 1
« Le terme générique de rééducation-réadaptation utilisé jusqu’à présent est remplacé par le terme de réadaptation, qui regroupe la rééducation, la prévention, l’éducation thérapeutique, l’accompagnement et la réinsertion ».
Cette définition de l’ATIH dont dépend le périmètre du CSARR n’est pas satisfaisante. Antérieure aux travaux de la DGOS, elle est beaucoup plus large que la définition internationale retenue. Elle tend à couvrir tous les actes pratiqués en SMR, avec 32 métiers codeurs potentiels. Elle devra s’harmoniser avec celle des décrets qui sera précisée dans l’instruction complémentaire.
A partir des travaux de la DGOS, à la recherche d’une cohérence des définitions et conformément à l’adoption de la définition générique internationale de la réadaptation, la définition des missions des SMR pourrait alors se décliner de la façon suivante :
Stratégies de santé de l’OMS |
Segmentation proposée pour les missions SMR |
Nomenclature internationale* |
Stratégie curative |
Mission de soins médicaux curatifs (diagnostic et traitement des maladies) |
HC.1 |
Stratégie de réadaptation
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Mission de réadaptation à mettre en cohérence avec le périmètre du CSARR Note : la mission de prévention ne doit pas être confondue avec la réadaptation |
HC.2 |
Stratégie de soutien |
Mission d’équilibration, d’entretien des capacités fonctionnelles, de soins personnel et d’accompagnement de la perte d’autonomie en transition vers un lieu de vie adapté |
HC.3 |
Stratégie de prévention |
Mission de prévention |
HC.6 |
* Adapté de C. Gutenbrunner (Rehabilitation as a Health Strategy).
Nous préconisons dans ce tableau de définir les fonctions des SMR à partir de la classification internationale des comptes de la santé, toujours inutilisée dans la comptabilité analytique française qui remonte à la fin du XXème siècle, avant la constitution de l’ICHA (2000).
Dans l‘approche multidimensionnelle du système international des comptes de la santé, ces missions ne peuvent être assimilées à des prestataires en termes d’autorisation. Chaque prestataire combinant à des degrés divers l’ensemble de ces missions même si certaines sont prépondérantes.
Il reste toutefois à adapter la définition de la troisième mission, ou fonction HC.3 de l’ICHA, à la réalité institutionnelle française.
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Des concepts aux systèmes d’information et aux classifications tarifaires
Il est plus que jamais indispensable, en premier lieu de spécifier les missions des SMR : trop d’intégration verticale détruit les compétences des équipes spécialisées mais trop de différenciation spécialisée paralyse la fluidité des parcours, puis en second lieu de traduire ces spécificités dans le système d’information et de comptabilité analytique en vue de classifications tarifaires adaptées. Orientations inadaptées, fermetures de lits, effectifs insuffisants et fragilisation des compétences clés se combinent aux difficultés croissantes de l’accès aux soins généralistes ou spécialisés en ville, entre autres pour répondre aux prescriptions de rééducation. Ces pertes de chances sont inacceptables.
Il s’agit d’une question de politique de santé publique qui dépasse le champ des SMR mais aussi d’une question de nomenclature comptable puisqu’il faut à un moment donné articuler missions et valorisation. Il est à cette fin indispensable de se référer aux modèles de l’OMS, de l’OCDE et aux nomenclatures du système international des comptes de la santé (ICHA).
1/ Il est facile de nommer la fonction médicale curative, HC.1 pour l’OCDE ICHA.
2/ Il va désormais être facile de nommer la fonction de réadaptation, HC.2 pour l’OCDE ICHA, même si elle n’est pas encore intégrée à la comptabilité analytique hospitalière française, d’où les difficultés de définir le périmètre du CSARR dans sa réforme actuelle. Ceci montre bien que le périmètre de la réadaptation est tout sauf une question purement conceptuelle ou philosophique.
3/ Il n’est pas facile de traduire en France la fonction HC.3 : l’expression « soins de longue durée » selon l’OCDE ne peut convenir puisqu’elle entraine immédiatement une confusion entre fonction (missions qui existent dans toutes les structures) et structure (ou prestataire). La nomenclature française n’a pas encore distingué fonctions (missions) et prestataires qu’elle assimile à une seule et unique fonction ce qui a failli se traduire par la dénomination des SSR comme « soins de réadaptation ».
Le court séjour (MCO) est confondu avec la fonction curative, les SMR avec la réadaptation, les soins de ville avec le premier recours et la psychiatrie est assimilée à la santé mentale. Cela doit changer.
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Les soins prolongés en SMR : un enjeu majeur pour les parcours de santé
Il faut distinguer cette fonction des SMR des autres missions structurantes, curative et de réadaptation. C’est un sujet complexe de réformes des politiques de santé. Cette troisième mission clé des SMR reste à définir pour des patients qui relèvent de soins médicaux curatifs ou de programmes de réadaptation d’intensité et de complexité faible à modérée, mais ne peuvent sortir des établissements de soins sans préparation de solutions pérennes de soins et d’accompagnement en ville ou en institution.
Cette mission correspond à des typologies fréquentes de patients relevant des SMR, et dont la raison principale du séjour n’est ni le soin médical curatif, ni la réadaptation, même si ces composantes sont présentes à titre d’équilibration, de surveillance et/ou d’entretien de l’autonomie. La finalité principale intriquée aux autres soins est celle des soins personnels (aide aux activités corporelles élémentaires ou personal care des anglosaxons) qui font partie du champ sanitaire en gérant la difficile frontière avec l’accompagnement des activités instrumentales de la vie quotidienne qui relève plutôt du champ médico-social. Ces composantes de la valeur doivent être abordées dès le MCO et les SMR pour donner sens aux soins curatifs et de réadaptation. Ces soins requièrent une présence infirmière 24h/24.
Le travail indispensable des unités prestataires sur les facteurs socio-environnementaux, qui permet la « bonne » sortie, notamment tout le travail des assistants socio-éducatifs et au-delà des équipes pluriprofessionnelles qui gèrent les cas complexes – équipes mobiles, équipes de soins spécialisées en soins de ville – reste par construction législative mal capté dans nos modèles sanitaires fondés sur le modèle de production trop purement curatif des groupes homogènes reliés aux diagnostics. Ce travail est de plus en plus souvent étroitement intriqué aux autres missions (ou fonctions) des prestataires, ce pourquoi les nomenclatures internationales distinguent les fonctions des soins (ICHA-HC) et les prestataires (ICHA-HP). Ceci permet l’allocation par destination des soins préconisée par le HCAAM.
Nous visons en MPR un modèle acceptable pour tous les secteurs d’exercice. Sans trop aborder les divergences d’intérêt entre fédérations, du fait de l’organisation des filières et des groupes hospitaliers, les établissements publics de la FHF sont beaucoup plus impactés par ce type de patients que les fédérations d’établissements mono-SSR. C’est un fait, comme le fait que la dotation en personnel soignant est inférieure dans les établissements privés, à but lucratif ou non. La paralysie croissante du fonctionnement amont-aval, alors qu’il faut éviter de considérer les SMR comme un second aval des urgences, doit néanmoins faire garder à l’esprit la multiplication les séjours temporaires en EHPAD et en USLD qui a été nécessaire face à la paralysie aggravée des filières pendant la pandémie COVID. Le réel est insistant et le restera. On ne peut laisser ces dysfonctionnements des SMR perdurer ainsi.
SI nous proposons nous appuyer sur la nomenclature internationale, la seule qui semble assez robuste sur les catégories de besoins et de comptabilité, les traductions acceptables de la fonction HC.3 appliquées au SMR seraient « soins de transition », « soins prolongés » (pour ne pas confondre avec les USLD) ou « soins non aigus » des australiens par opposition aux soins post-aigus dits « subaigus ».
Empruntons au rapport Jeandel Guérin, même s’il est consacré aux EHPAD et USLD les termes d’équilibration et de surveillance, en les associant à l’entretien de l’autonomie, les soins personnels et l’accompagnement des activités de vie quotidienne.
Peut-on analyser sans nomenclature fonctionnelle robuste que certains patients requièrent les SMR principalement du fait de facteurs socio-environnementaux, mais que leur hospitalisation en SMR est pleinement justifiée ? Il faut rappeler dans la définition de la troisième mission qu’elle n’est jamais isolée pour les patients réels qui nécessitent des soins médicaux et de réadaptation à faible intensité.
Si cette mission, bien tangible en SMR, n’est attribuée à personne, chacun se positionnant en star spécialisée sur un marché concurrentiel, la paralysie des parcours continuera.
Pour le moment les pratiques s’inscrivent dans un schéma temporel et linéaire où les USLD sont conçues comme du « long séjour » succédant au « moyen séjour », grand fourre-tout mal différencié devenu SMR, mais pas du tout dans la logique américaine des long term post-acute care qui interviennent comme une des orientations post-aiguës possibles en aval direct de l’aigu. Ces unités ressemblent aux unités pour soins prolongés et complexes (USPC), différentes des USLD, crées par l’ARS-IDF, sachant que le rapport Jeandel propose, lui, de transformer des USLD en USPC. Cette question clé de la frontière entre prestataires rend plus aigu le besoin de mieux définir les missions.
Le problème principal, la souricière cognitive, est qu’il faut financer des interventions sociales et d’accompagnement du handicap dans le secteur sanitaire qui depuis 1970 n’est plus censé s’en occuper.
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Avenir SPE et les enjeux de l’exercice libéral : voir les propositions d’avenir SPE
Dans la prochaine lettre nous ferons le point sur l’évolution des nomenclatures : CCAM, CSARR Groupes médico-économiques etc. Tout savoir sur la refonte de la CCAM
FLASH INFO – Avenant n°9 de la Convention Médicale Qu’est-ce qui change au 1er avril ?
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