Lettre du SYFMER du 30 septembre 2021
Point sur la réforme des nomenclatures et pratique(s) avancée(s)

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Pour rappel: convocation à l’assemblée générale du SYFMER du 14 octobre 2021 à 9:00, salle Rubens, Palais des congrès de Lille.
L’assemblée générale se tiendra en présentiel dans le cadre du congrès de la SOFMER.
 
 
  1. Mise en place du HCN et révision de la CCAM

Le Haut conseil des nomenclatures (HCN) a été intronisé le jeudi 2 septembre dans une visioconférence présidée par Olivier VERAN. Le président du HCN est le Pr François RICHARD, urologue. Le vice-président est le Dr Christian ESPAGNO, neurochirurgien et ancien vice-président de la CSMF. La CNAM est représentée par M. Jocelyn COURTOIS qui dirige de Département des actes (DACT).

Le DACT a constitué 40 familles d’actes sur lesquelles travailleront des groupes d’experts en « inter spécialité ». Nous ne connaissons pas encore la composition de ces groupes. Trois spécialités se sont inquiétées de leur place : la pédiatrie, la chirurgie pédiatrique et la médecine physique et de réadaptation.

AVENIR SPE a demandé une réunion de concertation préalable avec la CNAM à propos de la méthodologie de cette révision et a pu avoir quelques éclaircissements.

La CCAM a été divisée par le HCN en une quarantaine de familles d’actes, certaines couvertes par une spécialités « dominante », d’autres dites de « multispécialités ». La MPR n’a pas de famille d’actes en propre, mais sera associée à l’étude de sous-familles en mode polydisciplinaire. La révision s’opèrera en plusieurs étapes : révision des libellés, puis hiérarchisation des actes par famille, enfin en inter-famille. En parallèle, le « coût de la pratique » sera analysé par la CNAM. Au final, la négociation conventionnelle entre syndicats et CNAM portera sur le « facteur de conversion monétaire » qui conditionnera la valeur finale des actes.

L’activité clinique sera exclue de cette révision de la CCAM, renvoyée directement aux négociations conventionnelles. Les règles d’associations restent intangibles, pour l’instant. Certains actes pourront être regroupés en procédures, avec le risque d’une valorisation à la baisse. L’introduction de nouveaux actes restera soumise à une longue procédure d’évaluation passant par de multiples interlocuteurs, dont la HAS.

La liste actes contenus dans les familles et sous-familles ne sera dévoilée qu’en octobre. En attendant, Georges de KORVIN, mandaté comme référent par le CNP de MPR, a déjà entrepris de constituer un panel d’une cinquantaine d’experts, libéraux et salariés, couvrant l’ensemble des activités de notre discipline.

Tout au long de cette procédure complexe, le SYFMER et AVENIR SPE seront attentifs à la transparence des informations et à bien avertir les experts aux chausse-trapes qui ne manqueront pas de se présenter. Si la CCAM a un impact immédiat en termes de tarif sur l’exercice libéral, elle est tout aussi importante pour les établissements, s’agissant des actes et consultations externes (ACE) et des classifications à visée tarifaires (T2A et GME).

Télécharger ici les actes les plus fréquents en MPR en secteur libéral

Télécharger le diaporama de présentation de la méthodologie

Résumé de la méthodologie et diaporama complet en cliquant ici


 

  1. La simplification du CSARR

Une autre nomenclature est en cours de refonte, le CSARR. Il a une importance capitale dans les classifications tarifaires en SSR. A la suite du Ségur de la santé, l’ATIH s’est engagée dans un processus de simplification radicale du CSARR. Il s’agit de passer d’environ 500 actes à près de 150. Des groupes de travail sont constitués par grands chapitres. Contrairement à la CCAM ce sont ici les fédérations qui désignent les experts. La MPR est représentée dans chacun des groupes.

Les grands principes de la classification

  1. Le regroupement des actes par objectifs de réadaptation. Notons avec satisfaction que l’ATIH utilise pour cela la CIF et sa nomenclature en « b » et « d »
    1. Diminution du nombre des actes
    2. Simplification des libellés et des descriptions des actes élémentaires
  2. Attribution d’un ou de plusieurs intervenants à chaque nouvel acte, autorisé(s) à coder ces actes. Ceci va dans le sens de nos demandes de réduire l’exubérance du périmètre des activités réellement « marqueuses » de la réadaptation.

Cette simplification va dans le bon sens même si le CSARR et son système de pondération reste à nos yeux un outil inadapté pour construire une classification à visée tarifaire en SSR. Il appartient donc aux CNP et à leurs composantes de susciter des réflexions MPR transversales aux fédérations mais en lien étroit avec elles.

Ces réformes des nomenclatures sont fondamentales et nous devons en être parties prenantes. Elles prendraient tout leur sens si l’ensemble des nomenclatures était repensé de façon cohérente : NGAP, CCAM, CSARR, nomenclature des autorisations, de la comptabilité hospitalière (CAH), PMSI et nomenclatures des groupes homogènes GHS ou GME. Voir lettre SYFMER sur les autorisations et le financement des SSR


 

3. Rapport Sibille et projet de décret sur les IPA

Voici pour lecture les réactions d’avenir SPE (Lettre n° 31) à propos du rapport Sibille et du projet de décret IPA. Les préconisations du rapport Sibille impactent les activités libérales et salariées. La réingénierie des professions de santé décrite dans ce rapport est résolument constructiviste Elle repose sur la vision de la « démarche métier » décrite dans le rapport  Berland de 2011.

Besoins ==> Activités ==> Compétences ==> Formation ==> Diplômes

Le postulat de ce paradigme est que les experts de santé publique peuvent tout reconstruire rationnellement dans une vision purement descendante et qu’il suffit de mener des négociations séparées avec chaque profession.

La liste des filières évoquées ignore tout dispositif de réadaptation : filière visuelle, filière auditive, filière du soin, santé mentale, filière bucco-dentaire, filière de l’anesthésie, santé des enfants. Les autres points de convergence possibles évoquent isolément les masseurs-kinésithérapeutes, hors « filière de réadaptation »


  1. Pratique(s) avancée(s) en kinésithérapie : de quoi parle-t-on ?

Le SYFMER a eu connaissance de documents issus de l’URPS-KINE-IDF dans le cadre d’une démarche engagée avec l’ARS-IDF d’expérimentation relative à la pratique avancée. A la suite d’une une réunion avec la direction de l’offre de soin de l’ARS IDF, ll a été demandé à l’URPS Kiné IDF de faire un état des lieux des modèles internationaux existants intégrant la kinésithérapie en pratique avancée.

Le document de synthèse transmis par l’URPS-KINE-IDF en novembre 2020 à l’ARS a servi de support pour rencontrer divers acteurs régionaux dont les fédérations hospitalières régionales (FHF, FEHAP etc.). Par ailleurs, en lien avec l’ARS, se développent des projets de masters au sein des universités. Par exemple :

Master ingénierie de la rééducation du handicap et de la performance motrice

Le SYFMER se réjouit de l’existence des départements de « sciences de la rééducation et de la réadaptation » qui identifient la réadaptation comme fonction essentielle du système de santé, fonction hélas oubliée du rapport Sibille.

Les notions de coopérations professionnelles, de pratique(s) avancée(s), de professions intermédiaires sont souvent confondues dans un cadre juridique mouvant (lire l’encadré page 7). Il existe plusieurs acceptions de la notion de « pratique avancée » : celle de la loi Touraine et celle des modèles internationaux.

Dans le rapport intitulé « Vers un diplôme d’exercice de niveau master », le CNOMK évoque bien la notion de pratiques avancées (au pluriel) mais il ne milite pas pour la reconnaissance des kinésithérapeutes comme auxiliaire exerçant en pratique avancée, terme issu de la loi Touraine de Modernisation de notre système de santé (article 119 sur l’exercice en pratique avancé). Cette acception s’est illustrée dans l’exemple des IPA et pourrait être étendue à d’autres auxiliaires médicaux.

Le CNOMK considère que les pratiques avancées doivent avoir pour point de départ le « statut de profession médicale à compétences définies et une formation d’ingénieur en santé de niveau Master ». Le grade master récemment accordé ne correspond certes pas à un diplôme master mais est considéré comme très encourageant par le CNOMK. L’objectif affiché est de « permettre le premier recours dans des champs définis, afin de répondre aux besoins de la population ».

Rapport du CNOMK : Vers un diplôme d’exercice de niveau master

L’expression « Kinésithérapie en pratique avancée » utilisée par l’URPS Kiné IDF ne s’inscrit pas dans l’acception de la Touraine reprise dans le rapport Sibille et proposée, au-delà des IPA aux techniciens de laboratoire et manipulateurs en électroradiologie. Elle bien référence aux modèles internationaux dont ceux du rapport québécois sur la pratique avancée en physiothérapie et de la World Physiotherapy.

Note de synthèse URPS-KINE IDF sur la pratique avancée en MK

Le SYFMER ne s’oppose pas à l’évolution des professions paramédicales requise par l’évolution de notre système de santé. L’extension des possibilités de prescriptions et l’exercice sans prescription médicale dans le cadre des « soins primaires » suppose de prévenir les dysfonctionnements éventuels par la réforme conjointe des maquettes de formation, des diplômes et des textes relatifs aux actes et à l’exercice professionnel. Les niveaux de preuve en termes d’organisation des soins et des parcours sont aussi attendus, car il ne s’agit pas de répondre à court terme à une situation de pénurie pour « faire gagner du temps aux médecins ».

Le SYFMER constate que les modèles de pratique avancée concernant les pathologies musculosquelettiques avec ou sans « symptômes neuropathiques associés », schématisés dans la note de synthèse de l’URPS_KINE Île-de-France ignorent délibérément les médecins.

Ces modèles interpellent les MPR, les rhumatologues, d’autres spécialités médicales et professions paramédicales par l’ignorance du rôle de certaines spécialités médicales dans les parcours de santé. On est très loin ici de protocoles de coopération définis en commun entre les médecins et les professionnels paramédicaux.

Les masseurs-kinésithérapeutes semblent divisés. Quand, auprès des tutelles, certains négocient de façon séparée une « Profession médicale intermédiaire » en lien avec des modèles anglo-saxons de « pratiques avancées en kinésithérapie », d’autres déclinent leurs propositions sur le « Masseur-kinésithérapeute en pratique avancée » dans un cadre « curriculaire » de carrière et de coopération entre professions alliées, au sein d’une stratégie nationale de réadaptation.

Au niveau des ARS, s’agissant des établissements, ce sont les fédérations qui seront consultées, les médecins présents devant être délégués par les fédérations.

Il nous faut donc être proactifs entre deux extrêmes, d’un côté un corporatisme d’arrière-garde et, de l’autre, la soumission complice à l’angélisme d’une réingénierie utopique de la médecine sans les médecins qui veut nous imposer des modèles peu compatibles avec les pratiques réelles et l’histoire institutionnelle française.

Pour le SYFMER l’immobilisme n’est pas une option. Il juge indispensable :

1 D’éviter que soit imposées de façon autoritaire et sans réunir au préalable les parties prenantes des délégations de tâches,  l’extension pour les paramédicaux des possibilités de prescription et l’exercice sans prescription médicale.

2 De se concerter avec l’ensemble des acteurs concernés, dont les médecins, pour définir les niveaux de prise en charge qui doivent rester médicalisés et les situations qui peuvent relever d’interventions paramédicales en première intention.

3 De faire remonter nos inquiétude légitimes au niveau national et régional afin de s’assurer que la qualité et la sécurité des parcours de santé seront préservées


Voir les schémas de pratiques avancées dans la version pdf téléchargeable de la lettre


Coopérations, pratiques avancées, professions intermédiaires : des notions confondues dans un cadre juridique mouvant

L’article 119 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a ouvert la possibilité d’identifier des auxiliaires médicaux d’exerçant en « pratique avancée » au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant, au sein d’une équipe de soins en établissement de santé ou médico-social coordonnée par un médecin ou, aujourd’hui, au sein d’un équipe de soins spécialisée en pratique ambulatoire. Cette possibilité est appliquée depuis aux seuls infirmiers dans certains domaines d’intervention. Néanmoins dans ce cadre, le professionnel exerçant en pratique avancée ne sort pas de la catégorie « auxiliaire médical ».

Institués par l’article 51 de la loi « HPST » du 21 juillet 2009, les protocoles de coopération permettent aux professionnels de santé d’opérer des transferts d’activités ou d’actes de soins entre eux qui ne figurent pas dans leurs décrets d’exercice. Ces protocoles supposent des délégants et des délégataires dans le cadre de protocoles coordonnés par un médecin. Le cadre juridique de ces protocoles a été rénové par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019 et la loi ASAP du 7 décembre 2020. On distingue des protocoles nationaux dont la stratégie est pilotée par la commission nationale des coopérations professionnelles et des protocoles locaux ou les directeurs d’établissements ont un rôle accru en lien avec les ARS.

Le rapport Hénart-Berland Cadet de 2011 préconisait la création de « professions de santé intermédiaires ». Si les « professions médicales intermédiaires » proposées par la loi RIST n’ont pas été retenues, les travaux se poursuivent relativement à une nouvelle gradation des prises en charge et au caractère inadapté de la réglementation des métiers de la santé en France. D’un côté les médecins, qui seuls peuvent déroger au principe de protection de l’intégrité corporelle et de l’autre les auxiliaires qui exercent par dérogation à ce monopole. Les professions paramédicales, s’inscrivant dans les acceptions internationales de la pratique avancée les articulent souvent à un diplôme master et aux accords européens de Bologne (LMD). De nouveaux métiers se construiraient à partir des métiers paramédicaux existants aboutissant à des professions de « praticiens paramédicaux » ou à des « professions médicales » comme les sage -femmes.

Si l’extension des possibilités de prescription et l’exercice sans prescription médical est souvent préconisé pour ces futures professions intermédiaires, il peut aussi s’inscrire dans l’extension du champ d’activité d’auxiliaires exerçant en pratique avancée dans le cadre juridique actuel, notamment mais pas seulement dans le cadre des soins de premier recours.

L’évolution est inéluctable. Le rapport bénéfice risque doit être évalué. La première question clé est celle du processus de décision : entre perspective constructiviste de la réingénierie où les pouvoirs publics négocient de façon séparée avec les ordres et organisations de chaque groupe professionnel, ou co-construction par l’ensemble des parties prenantes légitimes. La seconde est celle de l’articulation cohérente entre les besoins d’une part, et d’autre part la réingénierie des maquettes de formation, des diplômes et des textes relatifs aux actes et à l’exercice professionnel.

Jean-Pascal Devailly, président du SYFMER. Courriel : jpdevailly@gmail.com

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