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Financiarisation et travail en équipe : les déliaisons dangereuses

Avancées conventionnelles pour la MPR : une coopération efficace

  1. Se passer du diagnostic médical doit rester une exception

 La Loi 2023-379 du 19 mai 2023 « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » permet à des professionnels de santé paramédicaux de prendre en charge des patients, de prescrire des examens complémentaires et des produits de santé, ou de pratiquer leur art, dans des cas où la prescription par un médecin ne serait plus obligatoire. Des textes d’application de cette Loi restent encore à venir. L’académie de médecine a publié un communiqué le 15 février dernier : cliquer ici.

Nul ne peut être contre l’exercice en pratique avancée ni contre la réorganisation des compétences et des tâches dans le système de santé. Tout statu quo est impossible. Toutefois la notion « d’accès direct », slogan politique et démagogique porté par des paramédicaux libéraux, n’a pas de sens sous cette forme puisqu’en termes juridiques c’est un « exercice de l’art sans prescription médicale ».

Le forum des pratiques professionnelles de Montpellier évoquera l’avenir du système de santé, entre d’une part une conception atomisée, organisée et financée en silos, et qui ignore le travail en équipe en soins primaires comme aux niveaux de recours et de référence et d’autre part une conception plus intégrée reposant sur la coopération au sein d’équipes coordonnées, médicalisées, capables de formaliser un programme de soins, sans faire appel au concept de « triage ».

Ce concept politique soutient une vision partiale de l’offre de soins qui n’a rien de scientifique. Il simplifie à outrance le diagnostic avec des algorithmes et des drapeaux rouges qui n’ont pas fait leurs preuves à l’échelle individuelle. Cette approche idéologique vise avant tout à déclencher un remboursement sans prescription médicale en soins primaires. La prescription médicale reste le principal obstacle au remboursement direct de certains soins paramédicaux en ville.

Nous avons insisté sur les risques de soins à plusieurs vitesses et de financiarisation galopante, au regard de ce qui se passe dans de nombreuses disciplines (radio, anapath, dentaire, ophtalmo, biologie, centres de santé, vétos…). On imagine les centres de la fonction et du bien-être gérés par les fonds d’investissement libérés de la contrainte réglementaire de la prescription médicale en particulier s’agissant des nouveaux centres d’e-santé où la réadaptation se confondrait avec le bien-être. La réponse aux déserts médicaux a bon dos. Qui les a créés ?

En établissements, la prescription classique est de plus en plus souvent remplacée par des protocoles médicalisés, c’est-à dire conçus en équipe et véritablement coordonnés par un médecin. Ce mode de coordination se développe de plus en plus dans des structures libérales regroupées, généralistes ou relevant d’autres spécialités médicales, à l’exemple de l’ophtalmologie. 

La prescription, médico-légale et garante de la sécurité des soins dans le cadre de la protection sociale, est toujours là, mais intégrée à un protocole / programme de soins / chemin clinique etc. L’amendement Valletoux à la loi Rist semble avoir ignoré cela. Il étend le principe de « l’accès direct » aux établissements où les équipes de soins sont déjà coordonnées, médicalisées et très souvent spécialisées en réadaptation. Cette organisation repose de fait sur des soins protocolisés, liés à la gestion des compétences, des effectifs, des équipements et des financements. Cet impact sera discuté à Montpellier.

La réponse de Stéphanie Rist : « Je regrette que l’Académie de médecine donne des avis subjectifs, non scientifiques » – Quotidien du médecin le 23/02/2024

 

  1. Point sur les négociations conventionnelles par Georges de Korvin

Une séance multilatérale de négociations conventionnelles s’est tenue le 14 mars 2024. Lors d’un webinaire ouvert à tous, Patrick Gasser, président d’AVENIR SPE, nous a livré les informations suivantes :

  1. L’Avis Ponctuel de Consultant (APC) sera porté à 60 euros.
  • Il sera possible de le facturer dans le mois suivant une téléexpertise demandée par le médecin traitant. C’est une manière de faire de la téléexpertise une méthode de screening des cas les plus urgents ou justifiant le plus un avis spécialisé.
  • Pour l’instant, la CNAM n’a pas voulu modifier la définition de l’APC, poussée en cela par toutes les centrales syndicales sauf AVENIR SPE pour qui cette requalification en « avis d’expert », codable toutes les premières fois est devenu un symbole fort.
  1. Création d’une consultation de MPR à 40 euros pour initiation et réévaluation d’un programme de soins. Il semble que cette consultation n’entre pas dans le « parcours de soins », donc pas d’adressage obligé (à confirmer). Nous aimerions bien pouvoir la coder après un APC, ce qui est défendu par AVENIR SPE.
  2. Extension de la consultation EPH aux MPR : 60 euros 4 fois par an, (hors du parcours de soin généraliste).C’est la consultation de suivi de l’enfant présentant une pathologie chronique grave ou un handicap neuro-sensoriel sévère nécessitant un suivi régulier. Elle était réservée aux pédiatres. A présent ouverte aux MPR.
  3. Pour les MPR, rhumatologues, MG :cumul consultation et certains actes techniques.
    • NZJB001, MZJB001, NZHB002, MZHB002 NZLB001, MZLB001, LHLB001 c’est à dire :
    • Évacuation de collection articulaire / Ponction d’une articulation du membre inférieur ou supérieur/ Infiltrations articulations membre supérieur ou inférieur / articulation vertébrale
    • La Caisse avait proposé dans un premier temps un bonus de 15 euros. A présent, c’est au moins CS 23 euros. En fait, ce n’est pas précisé dans la diapositive. Peut-être que le cumul pourra se faire avec un APC ou une consultation MPR…

Ces mesures en faveur de notre spécialité font certainement suite au lobbying que nous avons pu exercer à plusieurs en janvier dernier et à une longue démarche préalable dans le cadre de la collaboration SYFMER – AVENIR SPE. Comme quoi, il n’est pas inutile de se mobiliser de temps en temps pour l’action syndicale !

  1. D’autres mesures concernent le délai d’application de la majoration d’urgence MTU, la revalorisation de la CCAM, l’harmonisation progressive de l’OPTAM entre les régions, les ESS.
  2. Les contreparties demandées par la CNAM : elles ne sont plus individuelles comme en février 2023, mais collectives. 
  • La pertinence des soins :c’est un gros gisement d’économies potentielles, qui seront partagées entre la Caisse (70 %) et le budget conventionnel (30 %) Les principaux points concernent les arrêts de travail, les prescriptions de transports, certains médicaments de grande diffusion (inhibiteurs de la pompe à protons par exemple), les prescriptions d’imagerie, de biologie (ne plus demander de VS avec une CRP…). Nous devrons tous être vigilants sur nos pratiques et nos prescriptions en respectant les recommandations édictées par la HAS. Normalement, les spécialistes le font mieux que les généralistes et nous ne devons pas craindre cette démarche légitime. Ce sera même un bon argument pour demander une consultation spécialisée de MPR après un certain délai.
  • L’accès au spécialiste : la Caisse veut une réduction des délais, une augmentation des files actives, une meilleure couverture territoriale. Il est admis que les spécialistes ont besoin ont besoin de se regrouper, mais ils devront s’organiser pour faire des consultations excentrées et de la télémédecine. C’est aussi l’argument que nous avons développé pour obtenir les associations consultation + actes cliniques. Il faudra que cela se traduise dans les faits par moins de revoyures et plus de nouveaux patients.

LES NEGOCIATIONS NE SONT PAS TERMINEES POUR AUTANT. Des progrès substantiels sont encore à faire concernant la définition de l’APC, l’OPTAM, les ESS et l’instauration d’une majoration pour la prise en charge des personnes handicapées par tous les types de médecins.

 

EMPR 2024 : Forum des pratiques professionnelles « accès direct et exercice coordonné » le 28 mars 2024

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