L’exercice coordonné et coopération interprofessionnelle en MPR

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L’innovation est intersectorielle

Par son objet et son mode d’organisation, la MPR est tout particulièrement concernée par deux notions curieusement séparées par les pouvoir publics:  l’exercice coordonné entre professionnels de santé qui s’applique aux soins de ville (maisons et centres de santé) et la coopération interprofessionnelle qui s’applique aux structures d’emploi ou d’exercice des professionnels où peuvent être identifiées des « équipes soignantes volontaires » pour expérimenter des délégations d’acticité, en pratique en établissement de santé public ou privé ou au sein d’un groupement hospitalier de territoire

Quel que soit le secteur d’exercice, l’accès à la MPR et à ses diverses modalités d’interventions diagnostiques et thérapeutiques  est essentiel pour répondre aux besoins des patients en bonne intelligence entre professionnels des soins de ville et des établissements. Nous insisterons sur deux innovations importantes et indissociables dans ce domaine : les équipes de soins spécialisés et les équipes mobiles de réadaptation rattachées aux établissements de soins. Bien qu’hospitalière, l’HAD de réadaptation doit en être rapprochée dans une perspective de soins gradés.

L’exercice coordonné permet d’offrir un cadre attractif d’exercice pour les professionnels de santé, et notamment dans les territoires caractérisés par une faible densité de professionnels. Il favorise les échanges et la coopération entre les professionnels de santé, ainsi qu’une amélioration de la prise en charge des patients et de l’accès aux soins. Décrit initialement et à tort pour les soins de premier recours – la loi HPST ne positionnait pas la médecine spécialisée par rapport au premier recours – cette approche trop restrictive et inadaptée à la réalité française a été corrigée suite au rapport de l’HCAAM sur la médecine spécialisée.

La MPR a une responsabilité territoriale et populationnelle, partant du niveau de proximité et se poursuivant aux niveaux de recours et de référence de l’offre de soins.

Parallèlement l’exercice en pratiques avancées a été promu avec deux approches : l’intégration de paramédicaux exerçant en pratique avancée dans une modalité d’exercice coordonné d’une part, le positionnement de paramédicaux en premier recours et orientation dans les parcours de soins (dit improprement « accès direct ») d’autre part, aux fins de couvrir les besoins des territoires à faible densité médicale. Le SYFMER s’est opposé avec de nombreuses organisations médicales à la promotion non concertée et brouillonne de cet « accès direct » dans la LFSS 2022.

Pour le SYFMER, la complexité croissante des parcours de santé suppose avant tout l’accès direct à des collectifs médiaux et paramédicaux d’exercice coordonné et interprofessionnel, offrant le droit en temps opportun aux diagnostics et aux traitements requis. Dans un système solidaire, il faut privilégier la coopération à la compétition entre acteurs isolés et mis en concurrence par des modèles de paiement obsolètes sous une régulation prix/volume intenable. La démédicalisation autoritaire et non  concertée des soins primaires s’inscrit dans une politique de dérégulation et de déqualification qui risque, en contexte de rationnement, de multiplier les soins de confort, faciles,  lucratifs, coûteux pour la patients car non ou mal remboursés, de ce fait peu coûteux pour l’assurance maladie et d’efficacité douteuse. La dérégulation des formations aux « médecines complémentaires » non validées n’en était que le commencement. L’autonomie des professionnels de santé n’est pas l’indépendance ni le droit de faire n’importe quoi sans preuves tangibles, surtout dans le domaine de la santé où les soins des patients sont rendus solvables grâce à l’Assurance-Maladie.

La stratégie « Ma santé 2022 », renforcée par les conclusions du Ségur de la santé, a fixé comme objectif le doublement, d’ici à 2022, des deux sortes de structures d’exercice coordonné, les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et des centres de santé pluriprofessionnels (CdS). Les professionnels sont salariés pour les centres de santé et libéraux pour les maisons de santé. Voir tableau

L’incitation va reposer sur les aides de l’assurance maladie sur la base d’indicateurs. L’enjeu est de positionner la médecine spécialisée et en son sein la MPR par rapport aux incitatifs économiques communs aux centres et maisons de santé ou spécifiques aux centres ou aux maisons de santé : mesures d’aides financières, certains dispositifs innovants, ou la création d’un statut juridique ad hoc avec les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires pour les MSP ou la révision du corpus législatif relatif aux centres de santé.

Collaboration interprofessionnelle : déréguler ou structurer le système de soins ? Georges de Korvin


Les équipes de soins spécialisés : la coordination en secteur libéral

Les équipes de soins spécialisés ont été inscrites dans la loi de financement de la Sécurité sociale et dans l’avenant n° 9 de la Convention médicale, Il s’agit de permettre à la médecine spécialisée libérale de s’organiser pour mieux couvrir les besoins de la population au-delà des bassins de population de proximité, sur une zone couvrant les départements, voire une partie des régions.

Le médecin MPR a besoin d’un socle d’exercice associant des moyens matériels, souvent coûteux, un environnement médical composé d’experts complémentaires, de professionnels paramédicaux ou autres professionnels de santé et d’assistance administrative. Selon Patrick Gasser, au-delà des implantations dans les villes moyennes ou grandes, il s’agit de desservir de larges zones par différents moyens complémentaires : consultations et interventions avancées, téléconsultation, télé-expertise et télé-suivi, animation d’un réseau de correspondants médicaux et paramédicaux spécialement formés à l’accueil des patientèles cibles.

Pour cela, les dispositions conventionnelles actuelles ont un effet limitant. L’activité clinique médicale et paramédicale est financée de façon incomplète. L’acte technique est mieux valorisé que le travail intellectuel et d’organisation des programmes de soins. Cela n’incite guère les médecins à s’y impliquer.

L’organisation en équipes de soins spécialisés devra assurer la rémunération du travail organisationnel, des actions de formation et de certains soins non remboursés (ergothérapeutes, psychologues, par exemple). Ces équipes de soins spécialisés seront alors en mesure de contractualiser collectivement avec les CPTS et les administrations territoriales. Nous reviendrons avec Georges de Korvin sur les projets envisagés en MPR (rachis, système nerveux, équilibre et marche, périnée…).

Voir la lettre d’avenir SPE rédigée par Patrick Gasser


 

Les équipes mobiles de MPR : la coordination en établissements

Parmi les organisations innovantes dont la MPR a contribué à l’émergence ou au renforcement lors de la « syndémie » COVID 19, à côté des SRPR, de la télémédecine et de la téléréadaptation, se sont développées des équipes mobiles de MPR. Pour les nouvelles équipes le financement par les MIG SSR dans le cadre des dispositifs de coordination des ARS est apparu beaucoup trop étriqué.

Ainsi a-t-on promu dans différentes régions des équipes mobiles qui ne font que « trois petits tours et puis s’en vont » faute de pouvoir financer les soins à domicile.

L’HAD de réadaptation peut répondre à certains de ces besoins mais à des niveaux de complexité des soins supérieurs. Les équipes mobiles de réadaptation doivent combler l’abîme entre des soins paramédicaux de réadaptation de ville, inadaptés à certains profils, et l’HADR qui n’existe pas partout et cherche toujours un modèle médico-économique.

Les équipes mobiles de réadaptation doivent pouvoir se développer :

  • En interne aux établissements: interventions transversales des unités de MPR dans une mission d’expertise diagnostique et thérapeutique, d’aide à l’orientation dans les parcours et de contribution à l’organisation du suivi au long cours.
  • En externe, au domicile ou en institution, non dédiées à des pathologies mais à des profils requérant la réadaptation, en associant la coordination aux soins quand ils requièrent notamment des interventions itératives de réadaptation pluriprofessionnelles spécialisées et coordonnées.

Tous ces modèles ont été explorés par Langhorne à propos de l’Early supported discharge dans le domaine de l’AVC et doivent être étendus à bien d’autres conditions de santé.

Les structures de MPR devraient pouvoir reprendre la main sur la structuration des équipes mobiles, comme les libéraux doivent l’avoir pour les équipes des soins spécialisés. Il s’agit d’en finir avec la dissociation technocratique entre soins et coordination. Les missions attribuées aux équipes mobiles en régions ont été déterminées par des véhicules organisationnels et financiers qui ne permettent pas de répondre aux besoins de réadaptation non couverts par les professionnels paramédicaux de ville. Les patients concernés sont de surcroit ceux dont les besoins complexes nécessitent une coordination médicale spécialisée au long cours.

Il serait temps de réintégrer les modèles économiques de la coordination dans le financement des collectifs professionnels qui l’assurent, qu’il s’agisse de dotation populationnelle ou de part à l’activité. Les équipes mobiles ne pourront rester financées par des forfaits fixes leur interdisant de répondre aux besoins des territoires.

Les équipes mobiles pluriprofessionnelles de bilan, d’orientation et de réadaptation précoce en intra ou inter établissements

Les équipes mobiles de réadaptation contribution du CNP de MPR aux travaux de la DGOS


 

Perspectives pour la MPR: intégrer la coopération dans les programmes de soins

L’intérêt de la MPR et des patients qu’elle sert est de soutenir les ESS et les équipes mobiles au sein des nouveaux dispositifs de soins coordonnés. L’un et/ou l’autre de ces modèles d’équipes répondront à la réalité territoriale de l’accès à la réadaptation, marqué aujourd’hui avant tout par la pénurie et une menace croissante sur l’accès aux soins pour les personnes handicapées ou à risque de l’être.

L’exercice coordonné doit associer les initiatives libérales et des établissements. Il n’y a pas de concurrence en MPR. Notre spécilité doit reposer sur ses deux pieds, salarié et libéral, garants de son autonomie professionnelle.

L’urgence est de couvrir l’ensemble des territoires. Le plus grand danger est que la « coordination », buzzword managérial, continue à être conçue comme dissociée des pratiques cliniques et pilotée à distance par des tutelles qui attribueront de misérables enveloppes de survie sur des critères politiques, au lieu de laisser les moyens aux équipes de MPR d’intégrer le travail de coordination au cœur de leur activité clinique.

Enfin, quel que soit le modèle organisationnel et financier, l’exercice coordonné ne se décrète pas. Il ne doit pas rester limité à la juxtaposition d’interventions en silos. Le SYFMER préconise de l’inscrire dans une démarche de programmes de soins en libéral comme en établissements. C’est pourquoi nous avons fait avec le CNP de MPR une proposition relative aux programmes de soins en MPR dans le cadre des nouvelles orientations prioritaires du DPC, actuellement en cours de finalisation.


Jean-Pascal Devailly, président du SYFMER

06 60 65 25 51 jpdevailly@gmail.com