LA READAPTATION DANS LES ETABLISSEMENTS MEDICO-SOCIAUX. JM WIROTIUS (Paris), JL PETRISSANS (Bayonne)
Comment les EMS utilisent la réadaptation
Ce que les EMS apportent à la réadaptation
Le point de vue du médecin MPR
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Les handicaps accueillis dans les unités médico-sociales, version « organique », ont des caractéristiques principales : (1) la gravité des déficiences, des dysfonctionnements, liés pour l’essentiel à des lésions encéphaliques, (2) leur survenue le plus souvent périnatale, (3) le caractère majoritairement non évolutif des lésions premières et (4) leur persistance dans le temps, avec de façon précoce la question du vieillissement.
Chacun comprend que l’accueil des résidents des EMS est toujours secondaire à une défaillance corporelle, à un état de santé altéré par la maladie, l’accident. Mais si la maladie reste en toile de fond, le « risque » de complications est toujours latent même si de fait, les cas d’urgences médicales sont exceptionnels. Il existe une angoisse des équipes éducatives face à ces situations de santé toujours singulières (et donc sans rapport empirique à leurs propres expériences de santé), parfois instables et dont le pronostic reste incertain sur les plans vital et fonctionnel. Tout événement de santé (consultation, crise d’épilepsie, …) réactualise cette problématique médicale, qui a toujours beaucoup de mal à passer au second plan, là où elle devrait pourtant rester.
La plus grande particularité pour le champ de la santé des EMS est qu’ils stigmatisent, qu’ils caricaturent à l’extrême les professions et les activités médicales, offrant de ce fait à voir en relief, en caractère gras ce qui est habituellement moins apparent, moins évident dans le contexte sanitaire commun. Cet effet de loupe grossissante, ainsi qu’une temporalité longue dans un tempo lent, permet des observations, des analyses que le rythme usuel de la vie hospitalière et de ses préoccupations plus immédiates laisse en pointillés. Les EMS sont autant d’observatoires des actions et des idées reçues en réadaptation, avec un suivi longitudinal singulier et prolongé qui humanise les pratiques du quotidien. Dans les EMS tout est caricature : les professions, les rôles, les attentes, et cet effet grossissant révèlent des points clés utiles à développer.
Si le système hospitalier fonctionne comme une rivière à fort courant où tout ce qui est observé au temps t1 peut disparaître du regard au temps t2, où un événement nouveau chasse l’autre dans le tourbillon immédiat d’activités plurielles, les EMS ont plus l’aspect d’un lac où tout stagne, sédimente, et reste longtemps dans le périmètre visuel pour y être observé et analysé.
Les EMS sont un monde de la démesure. Tout y est démesuré :
– Leur nombre (plus de 35.000, si on y comprend les institutions « handicaps » pour tous les âges, soit les « personnes handicapées » et les « personnes âgées », subdivision liée à l’âge et non au handicap).
– La multitude d’associations gestionnaires, même si les tutelles d’état incitent aux regroupements, et leur rôle prééminent dans le secteur médico-social.
– La siglaison avec plus de 20 sigles : l’IEM (Institut d’Education Motrice) devient IME, si la scolarisation n’est plus stratifiée en niveaux, l’IME (Instituts Médico-Educatifs) devient EEAP (Établissements et Services pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés) si l’institution accueille aussi des enfants très jeunes, etc…
– Le temps toujours très long, très étiré dans la durée, dans un tempo lent, avec une temporalité cyclique rassurante. Tout y est très long, le temps des admissions, le temps des séjours, le temps des réunions, …
– La place surdimensionnée des événements à potentiel émotionnel, anodins ou sérieux, qui surgissent dans le flot continu du méplat quotidien (incidents, épisode médical, …)
– Les procédures d’admission : les dossiers papiers lancés sur un billard à bandes multiples ricochent pendant des mois, jusqu’à trouver la bonne case, la bonne poche.
– Les caricatures professionnelles qui stigmatisent à très gros traits les métiers de la santé.
Nous avons ainsi plusieurs objectifs :
(1) Décrire les EMS telle qu’un médecin MPR issu du monde hospitalier, peut les percevoir
(2) Partager cette expérience de terrain et rendre compte de quelques points de l’activité de la réadaptation au sein des EMS.
(3) Repenser la réadaptation sous le prisme des EMS : ce que les EMS nous enseignent de la réadaptation, avec cet effet de loupe, ces temps longs, ces caricatures professionnelles qui amplifient tous les traits, les stigmatisent et augmentent leur lisibilité.
(4) Reprendre l’analyse de ce terrain professionnel, qui n’est pas seulement une planète lointaine, obscure, et peu lisible, perdue dans une constellation de micro établissements. Nous sommes peut-être loin dans le cosmos, mais nous pouvons aussi contribuer à éclairer la planète MPR à dominante hospitalière.
(5) Apporter aux professionnels de santé, que les activités en EMS peuvent intéresser, les informations, que nous aurions nous-mêmes aimé avoir, à notre arrivée dans un EMS, pour faciliter et accélérer notre acculturation.
Les points clés : MPR, Réadaptation et EMS
Tous les EMS ont des pôles santé et de réadaptation, plus développés dans le registre enfant que dans celui des adultes.
La MPR a essaimé des gouttelettes de réadaptation dans plusieurs centaines d’institutions, mais peine à en retirer un bénéfice professionnel et surtout culturel.
L’effet de miroir grossissant, de caricature extrême, des EMS, a un effet révélateur utile sur la lecture des pratiques en réadaptation.
Le handicap de l’enfant (dans sa version des déficiences sévères) est presque entièrement installé aujourd’hui dans les EMS.
Il s’agit en quelque sorte d’un rapport préliminaire de ce qui constitue une forme de recherche action par l’immersion dans un champ professionnel qui ne suscite guère d’écrits ou de publications.